du voyage dont je reviens...

du voyage dont je reviens je ne ramène ni souvenirs ni photographies

 

juste une évidence

 

j’ai revécu la création de l’univers et l’évolution de toutes les espèces

dans une fraction du temps

déplié

j’étais néant

poussière

algue et puis ver

et des branches poussaient de mes membres

végétations moléculaires

en mutation perpétuelle

me voici soudain en dehors de moi-même

réconcilié

suis-je aigle ou bien roc

et le ciel soudain s’est mis à danser

des étoiles comme des flambeaux

s’allument et puis s’éteignent

manifestations répétées de l’immédiateté

des voix parviennent jusqu’à nous

le chant du désert augmenté de l’infini

je me couche sur le sable

une pierre sous mon torse fleurit

ici je l’intègre à moi-même

 

le vent redouble

tu dis que tu as froid

pourquoi ne deviens-tu pas vent

 

je me dissous

je m’annule

je me fonds dans la matière universelle

 

et aucune peur

aucun désir

être simplement là

recevoir

donner

participer du tout et du rien

être harmonie et chaos

plénitude et néant

s’abîmer

dans le mystère consommé

de l’identité

 

homme

je te tends la pierre que voici afin que tu deviennes

son ami

Un long souffle d’exil intérieur et extérieur.

1. De quel voyage est-il question dans ce poème ? Commentez.

 

2. Ce long poème évoque plusieurs métamorphoses et utilise la personnification. Quelles sont les images qui surprennent et bouleversent dans ce poème ?

 

3. La forme de ce poème est particulière. Deux tercets s’insèrent notamment entre deux strophes de plusieurs vers. Qu’est-ce que le poète cherche à provoquer comme sensation/émotion, par ce procédé formel ?

 

4. Une volonté de rompre les certitudes en installant plusieurs oppositions s’installe progressivement dans le poème. Quels éléments lexicaux témoignent de cette volonté et à quel moment celle-ci s’exprime-t-elle ?

 

5. Travaillez votre compréhension du souffle à l’œuvre dans ce poème en le lisant à voix haute une première fois de manière lente, puis une deuxième fois de manière saccadée. Quel débit de lecture vous semble le plus adéquat ? Sentez-vous une tension monter, une plénitude s’installer ? Expliquez votre choix. 

 

Activité d’écriture

Exercice d’écriture de l’errance et du mouvement : pensez à un lieu qui vous a profondément marqué·e. À partir de ce lieu, essayez d’écrire quelques vers dans lesquels ces lieux vous interpellent et vous attirent vers eux de manière à faire sentir le déplacement physique, mais aussi celui de l’esprit, au lecteur. Gardez en tête le rythme, le souffle, qui doivent participer de près à cet exercice d’écriture.

 

Liens utiles

  • Extrait de la nouvelle Kho Phi Phi, en lice pour le Prix de la nouvelle Radio-Canada 2019. 
  • Extrait du recueil de poésie Viticulture des gouffres paru le 17 avril 2013 aux éditions L’Interligne à Ottawa : 

  • Performance poétique à l’Espace Senghor dans le cadre du Maelstrom fiEstival no5 (12 mai 2011) : 

Section « Pour aller plus loin » rédigée par
Référence bibliographique

Laurent Fadanni, « du voyage dont je reviens... », Anatomie de l’échec, L’interligne, Ottawa, 2007.

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